Ça fait la deuxième fois que ça m’arrive. Un cycliste au feu m’interpelle et me lance un « vous êtes bien courageuse ». Alors que je ne me sens pas particulièrement héroïque ou téméraire (je suis même plutôt douillette), je réponds par un haussement de sourcil interrogateur. Et j’apprends donc que je serais courageuse car je n’ai pas d’assistance électrique.
C’est fou le nombre de nouveaux cyclistes qui ne se sentent pas du tout de monter sur un vélo normal et de se déplacer uniquement à la force des mollets. Pour eux, l’assistance électrique, ça a été le déclencheur, le coup de pouce pour envisager le vélo, non pas comme un outil de torture sportive en haut du Mont Ventoux, mais comme un mode de déplacement urbain et civilisé.
Au boulot, quand j’arrive à vélo, il n’est pas rare qu’on me fasse aussi la remarque et qu’on me lance un « quel courage ! ». Au début, j’étais bien contente de paraître si brave aux yeux de mes collègues. Une petite aura d’héroïsme urbain m’allait tout à fait, et je pouvais rouler des mécaniques à la machine à café. Mais je me rends compte maintenant à quel point c’est faux.
Faux parce que le vélo est pour moi bien plus facile et rapide que tout autre moyen de transport. Aucun courage à mettre autant de temps qu’un métro pour traverser le beau Paris, pour peu d’efforts et zéro euros. Aucun courage à mettre 2 secondes et demie à me garer… Les grands marcheurs et galériens des transports sont les courageux. Je n’ose dire qu’en fait, il n’y a que peu de courage derrière le vélotaf.
Après, il ne faut pas exagérer, je ne suis pas non plus une lâche : pour affronter les flux automobiles hostiles de la place du Châtelet, il vaut mieux adopter l’esprit d’un preux chevalier que celui d’un lapin peureux.
(106e épisode)