Il y a une semaine, j’ai regardé l’étape d’arrivée du Tour de France. En ce dimanche de mollesse, affalée sur mon canapé, j’ai suivi d’un œil endormi les coureurs foncer dans les rues d’Île-de-France. J’aime bien les vues du ciel sur les paysages, avec leurs commentaires façon patrimoine-Wikipedia. Ça m’a donné un petit goût d’été, puisque d’habitude, c’est en plein mois de juillet… Je me suis souvenue de mon pépé et de l’odeur de sa pipe, regardant le Tour, volets fermés pour préserver la fraîcheur de l’intérieur. Cette intemporalité joue beaucoup dans la popularité de cette course, à une époque où tout est incertain.
Cette communion télévisuelle est telle qu’il est presque interdit de critiquer l’événement. Interdit de parler du fait qu’elle reste fermée aux femmes. Tabou de mentionner les déchets de la caravane publicitaire ou les hôtesses-pot-de-fleur. À peine peut-on évoquer le dopage, mais seulement après l’arrivée, surtout pas pendant. Il ne faut pas gâcher la fête !
En voyant les coureurs filer à 60 km/h dans les rues de Paris, je me suis surprise à reconnaître des endroits de mon trajet quotidien, à vélo aussi. Et j’ai joué au jeu des sept erreurs. Eux sont en lycra bariolé, moi en robe ou en pantalon discret. Eux roulent à une vitesse folle, moi je vais piano et sano. Eux font du sport, moi je vais quelque part. Eux ont des vélos ultra-légers et techniques, moi un vieux vélo hollandais qui couine. Eux reçoivent acclamations et admiration, moi je suis souvent détestée et insultée.
Pour eux, la route est truffée de pubs défigurant Paris, moi, je traverse la plus belle ville du monde, presque nue — enfin, sauf les immondes bâches publicitaires géantes de la place de la Concorde ou de Châtelet… Ah, si, finalement, j’ai trouvé un point commun entre nous, au-delà de pédaler : la violence motorisée touche aussi bien les cyclistes sportifs que les cyclistes du quotidien. Ceux du dimanche sont même plus vulnérables que ceux qui font du vélo un moyen de transport.
Alors, en plus d’admirer les coureurs à la télé, faites attention sur les petites routes et départementales. Et pensez aussi aux cyclistes du quotidien, qui ne sont pas moins admirables que ceux qui prennent des remontants !
(115e épisode)