A l’occasion d’un face à face Valérie Pécresse / Karima Delli sur la nouvelle réglementation européenne CO2, j’ai pu entendre beaucoup d’erreurs ! Voici mon “droit de réponse” – debunkage”
Le contexte
La FNTV c’est la Fédération Nationale du Transport de Voyageurs, c’est à dire le groupement des professionnels du bus et du car. A l’occasion de leur congrès annuel, plusieurs invités politiques se sont mêlés aux professionnels et experts : Philippe Tabarot, Dominique Bussereau, Clément Beaune, Fabien Pannekoucke, François Durovray, Karima Delli et Valérie Pécresse. 6 contre 1, pour une assemblée d’entrepreneurs qui soigne beaucoup sa droite. Il a ainsi beaucoup été question de garder les niches fiscales sur les carburants, les exonérations de charges sociales et les aides aux entreprises. Ce beau monde a célébré les 10 ans des cars macron, loué la complémentarité des usages de la route (pour ne surtout pas les partager ou les hiérarchiser), s’est félicité que les cars de tourisme puissent circuler dans la ZTL de Paris Centre et a demandé à ce que le client (et non l’usager) paie plus pour le transport. Bref : un discours conservateur sur les mobilités.
L’enjeu de la décarbonation voulue par l’Europe
Une question a été posée : la nouvelle réglementation européenne visant la décarbonation des véhicules est-elle une opportunité ou un frein ? La salle était invitée à répondre en direct et le sondage a surpris les organisateurs : 66% pensent que c’est une opportunité ! Raté pour râler sur l’Europe et les politiques climat.
Pour ce débat, un face à face opposait Valérie Pécresse et Karima Delli.
Karima Delli, écologiste et ancienne Présidente de la commission transports du parlement européen, a expliqué le pacte vert (green new deal) et l’importance des enjeux climatiques. Ceci explique l’ambition et l’objectif d’une réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre provenant des transports d’ici à 2050. Pour les cars c’est -45 % d’émissions pour 2034, -90 % à partir de 2040, par rapport aux niveaux de 2019. Et tous les nouveaux bus urbains devront être à émission nulle d’ici 2035.
Et c’est là que Valérie Pécresse a dénoncé le tout électrique, défendu le biométhane pour les cars et bus, tout en méprisant une nouvelle fois les élus écologistes de la Région. Voici mon droit de réponse.
Pécresse dit : le tout électrique, c’est le tout chinois et c’est pas écolo.
Ca me fait bien rigoler, car c’est Valérie Pécresse qui a mis en place une subvention généreuse en 2021 pour l’achat de voiture électrique, rejetant mon amendement incitant au “made in Europe”. C’est même presque l’unique politique publique mise en avant par la droite régionale où on a longtemps entendu que le passage à l’électrique nous sauvera de la pollution de l’air et des émissions des gaz à effet de serre.
A-t-elle changé d’avis ? Ou est-ce plutôt une façon de justifier les restrictions budgétaires ?
Elle parle de considérer le cycle de vie et fustige la solution électrique, qui serait au final … anti-écolo ! C’est évidemment faux. Il n’y a évidemment pas photo entre électrique et diesel ; mais c’est tout aussi clair et net pour la bataille moteur électrique vs thermique.
L’étude du Ministère de l’économie et des finances en juillet 2025 est sans appel : le véhicule électrique présente “un fort intérêt environnemental à court/moyen terme ainsi qu’un avantage fort en termes de souveraineté”.
Valérie Pécresse vante les mérites du “biométhane”
Elle dit que c’est plus adapté et plus local (dont 50% viendrait de l’Ile de France).
Parlons déjà avec les bons mots, à aucun moment il ne s’agit de “bio” : le bon mot serait plutôt agro-carburant. Et si on regarde le bilan réalisé par Transports & Environnement : la production mondiale d’agro-carburant émet 16 % de CO2 en plus par rapport aux carburants fossiles qu’ils sont censés remplacer.https://www.transportenvironment.org/te-france/articles/les-biocarburants-emettent-globalement-plus-de-co2-que-les-carburants-fossiles-quils-remplacent
Côté climat, c’est raté. Côté pollution et émissions, les moteurs thermiques ne sont pas non plus formidables notamment en termes de bruit, chaleur, émissions…
Rapelons-le, l’agriculture en Ile de France doit avant tout servir à nous nourrir et non à nous déplacer ! Quant à la souveraineté, ce n’est pas vraiment une solution formidable si on la compare à l’électricité.
Valérie Pécresse fustige les écologistes et le green new deal européen
Valérie Pécresse a pris le congrès de la FNTV pour un meeting de LR, voire une séance du Conseil régional où le mépris et l’invective remplacent souvent le débat démocratique.
Mais s’agissant du green new deal, il s’agit quand même de politiques européennes qui ne viennent pas de nulle part. Ce pacte vert vient des accords de Paris sur le climat. Le conservatisme et l’austérité budgétaire ne produisent que de l’inaction climatique coupable.
Et Karima Delli a bien souligné que la transition écologique doit toujours être accompagnée de justice sociale et d’une politique industrielle. Plutôt que de se plaindre de l’Europe, il faudrait mieux engager une vraie stratégie industrielle pour des bus et des cars made in Europe. Déjà, le virage a commencé pour les bus urbains, ne retardons pas l’échéance : les marchés publics doivent impulser aussi cette nouvelle politique. A l’heure où la région Ile de France voit une des usines automobiles décliner (Stellantis Poissy), il est temps de se doter d’une vraie industrie verte francilienne.