Charlotte à vélo

Rail, baignade urbaine et mobilités : mes olympiades “vacances interrail”

Après des vacances interrail en Allemagne, Danemark, Suisse et France, voici mon classement personnel, sur 3 épreuves, assorti de quelques explications politiques (le tout est subjectif bien sûr)

Epreuve n°1 : Ferroviaire 

Médaille d’or : la Suisse

Trains ponctuels, fiables, fréquents, confortables, qui vont partout (même en haut de la montagne Jungfrau!). Les vélos sont les bienvenus avec réservation et il y a de la place pour le stationnement en gare. Il y a même des voitures spécial enfants avec toboggan et jeux.

Pourquoi ? La Suisse a une politique de l’offre et investit beaucoup et depuis longtemps dans le rail. Le réseau est entretenu et le matériel roulant est nombreux et en très bon état.

Médaille d’argent : le Danemark

Trains assez ponctuels et fréquents. Réseau SBahn à Copenhague au top avec beaucoup de place pour les vélos et poussettes. Les gares sont aussi bien équipées en stationnement vélo. Forte présence humaine à bord (pas de tourniquets ni de portillon en gare donc beaucoup de contrôleurs).

Pourquoi ? Copenhague a choisi la multimodalité vélo et transports et ça marche très bien. Les transports urbains et peri-urbains sont fréquents ce qui permet une très bonne politique d’accessibilité.  

Médaille de bronze : Allemagne

Les trains sont pratiquement toujours en retard et les correspondances sont souvent sport. Ils ne sont pas non plus particulièrement rapides mais sont confortables. Avec le pass interrail ou l’abonnement a 49€, le train est vraiment peu cher et populaire. Beaucoup de monde à bord.

Pourquoi ? La politique transports de l’Allemagne s’est focalisée sur les tarifs avec le succès du Deutschlandticket (abonnement mensuel à 49 € mais hors grande vitesse) ce qui en fait un transport populaire. Hélas le manque d’investissement a généré une dégradation du réseau et donc de la fiabilité. Sans politique d’investissement massif le risque est d’avoir un transport à deux vitesses.

4ème : la France

En France, les trains sont rapides (nos fameux TGV) et relativement fiables. Mais ils sont peu nombreux (souvent complets) et chers. Les TGV sont peu confortables et notre TER Genève Lyon était sale et vieillot. Quand il y en a, les prises et le wifi marchent mal. On ne connaît les voies qu’au dernier moment et l’accès aux quais est difficile pour les poussettes ou vélos.

Pourquoi ? La politique du tout TGV atteint clairement ses limites. Les investissements se sont fait sur les LGV au détriment des petites lignes. Le réseau ferré doit être rentable et les péages ferroviaires sont très chers. Résultat : des trains beaucoup moins nombreux et une faiblesse des achats de matériel roulant. Les prix des billets sont aussi un effet de cette politique (péage élevé, trains peu fréquents et demande forte). L’accueil des vélos dans les trains ou dans les gares s’est amélioré mais reste compliqué et insuffisant, la politique de la SNCF ayant longtemps été dans le déni de cette demande.

 

Epreuve n°2 : Baignade urbaine 

Médaille d’or : le Danemark

A Copenhague on peut se baigner quand on veut, dans le port, la Baltique ou les canaux à peu près partout (là où il y a une echelle) et il y a aussi des piscines aménagées. L’eau est assez propre, pas très salée, fraîche mais pas froide. On peut plonger ou sauter. Quelques algues. Beaucoup de monde en profite, c’est très populaire et hyper facile d’accès.

Pourquoi ? En 1989, la ville de Copenhague décide de reconvertir le port industriel en bureaux et de logements. Les gros bateaux et chantiers navals déménagent. En 1992, il est décidé de moderniser le système de traitement des eaux et de développer des reservoirs d’eaux usées. Il y a eu également une politique de limitation des zones inondables. Ainsi alors qu’elle était interdite en 1960 à cause de la pollution, la baignade inscrite dans la tradition danoise est redevenue possible et très pratiquée en ville.

 

Médaille d’argent : la Suisse.

A Berne, la baignade se fait dans le fleuve et des piscines aménagées permettent de laisser ses affaires dans des casiers, de prendre une douche ou de bronzer sur les pelouses. L’eau est belle et fraîche mais le courant est fort (impossible de barboter ou de nager tranquille). Tous les habitants ont un sac étanche pour se laisser porter par le courant. Idem à Bâle ou certains nagent après le boulot pour rentrer chez eux, en aval.

Pourquoi ? la baignade relève de la responsabilité individuelle, il y a simplement une information sur les risques liés au courant et aucune réglementation particulière, ni horaires. Les aménagements (piscine, douches et casiers) sont un vrai service public. La qualité de l’eau s’explique par une politique d’assainissement (construction et réhabilitation de stations d’épuration). La surveillance de la qualité des eaux de baignade est importante.

Médaille de bronze : la France

Baignade dans le Canal St Martin, uniquement les dimanches après-midi d’été, avec vestiaire et douche a proximité. Il y a aussi le bassin de la Villette (piscine aménagée avec casiers et douche) mais avec des horaires précis (11h à 20h) de juin à septembre. Aucune baignade dans la Seine pour l’instant. Eau fraîche et agréable dans le Canal St Martin, d’autant plus appréciée quand il fait chaud.

Pourquoi ? Médaille d’encouragements car politique trés récente. Le scepticisme est encore de mise sur le sujet et les baigneurs font office d’avant-garde. Le travail d’assainissement du Canal commence a porter ses fruits (un bateau sillonne le canal et ramasse les déchets). La qualité de l’eau reste le principal sujet pour la Seine et une des sources de pollution importante est l’eau de ruissellement. Une politique de desimperméabilisation des sols est indispensable. Peut aussi clairement mieux faire en termes d’horaires et de liberté de se baigner.

Nb important : je ne me suis pas baignée à Hambourg, et pourtant je ne loupe pas une occasion. Les baignades sont excentrées et je ne suis pas sûre qu’on peut les qualifier d’urbaines.

 

Épreuve n°3 : marche et vélo

Médaille d’or : Copenhague pour le vélo. On a fait toute la ville de long en large à vélo avec énormément de facilité. Les pistes cyclables sont larges, tous les carrefours sont faciles et aménagés pour les vélos. On peut laisser son vélo à peu près n’importe où (une mâchoire suffit comme antivol). Tout est plat. Les comportements s’adaptent autour du vélo : les voitures laissent la priorité, les cyclistes signalent quand ils s’arrêtent et les passages piétons, pistes cyclables et feux sont respectés. Alors que la vie est chère, louer un vélo est vraiment abordable. On peut emporter son vélo dans les RER (SBahn) ou les métros. Les places pour les vélos dans les RER sont nombreuses. Conséquence : peu de circulation motorisée qui en fait une ville très agréable à parcourir à pied aussi.

Pourquoi ? Si 48% des déplacements se font à vélo ce n’est pas un hasard. C’est une politique globale qui favorise ce mode de déplacement et envisage le vélo sérieusement, comme un système global, de la sécurité au stationnement, de la multimodalité à la réparation. Il est toujours le bienvenu ou considéré. Bref c’est une priorité de politique publique depuis des dizaines d’années et ça se voit.

 

Médaille d’argent : Bâle et Berne pour leur centre ville piétons. Ex-aequo avec Hambourg pour la circulation apaisée.

Marcher dans ces villes est vraiment facile et agréable. On croise très peu de voitures. A Bâle la circulation des tramway est vraiment dense. A Hambourg la circulation se concentre sur quelques avenues très larges mais la plupart du centre et des quartiers sont pratiquement piétons.

Pourquoi ? La politique assumée à Berne est fondée sur la stratégie ETG : éviter, transférer et gérer harmonieusement le trafic ainsi que la multimodalité. Même volontarisme à Hambourg avec une politique vélo et marche associée à Un Reseau de transports en commun important. Caractéristique de Hambourg ville industrielle et portuaire : la forte part du rail pour les marchandises. Pour Bâle c’est le réseau de tramway qui impressionne.

Médaille de bronze : Paris.

Paris rate de peu la médaille d’argent. Elle a entamé depuis 20 ans sa mue vers moins de bagnoles et bénéficie d’un réseau de transports en commun hyper dense. Mais ce réseau est moins fiable et dysfonctionne souvent. Les pistes cyclables sont nombreuses et bien protégées mais il reste des discontinuités aux carrefours. Beaucoup de zones piétonnes permanentes ou temporaires.

Pourquoi ? Une politique volontariste qui a commencé en 2001 avec les couloirs de bus, la construction du tramway sur la petite ceinture, les zones piétonnes et Paris Plage,  les velibs. Puis un réseau de pistes cyclables et la piétonnisation des voies sur Berges etc. La circulation peut rester encore importante et les carrefours encombrés. En petite couronne les politiques sont diverses et les résultats contrastés selon le niveau de volontarisme du Maire ou du département. Le réseau de transports en commun souffre néanmoins de sous investissements sur le réseau existant et sur le matériel roulant, alors que le nombre de voyageurs est important. Les priorités sont sur de nouvelles lignes RER ou prolongement de métro. L’offre a aussi baissé après le Covid. 

 

En conclusion : La France gagne moins de médailles sur cette olympiade très subjective que sur les vrais JO, mais elle peut être médaille d’or, si elle poursuit sa politique volontariste et prend exemple sur ces pays européens. L’investissement dans le rail et dans les lignes existantes doit être une grande priorité.

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© Tous droits réservés · Charlotte Nenner © Photos de campagne avec Charlotte: Eric Coquelin · © Illustrations: Alice Mettais Cartier