Tribune parue le blog de Médiapart le 8 février 2024
En 2017, quand Paris est désignée ville hôte des JO de 2024, elle présente la promesse de jeux écolos, voire même sobres, et de grande fête populaire célébrant l’idéal olympique de paix. Alors que la Ville était dirigée par la gauche socialiste alliée aux écologistes depuis plus de 15 ans, c’était bien le minimum pour donner du sens à cet événement gigantesque, ayant plutôt la réputation de ruiner les villes hôtes que de laisser un héritage autre que celui d’un bilan carbone désastreux et d’une publicité touristique planétaire – publicité dont Paris n’avaient pas particulièrement besoin.
Donc la promesse, c’était une grande rénovation urbaine pour la Seine St Denis, des emplois et logements, une grande cérémonie d’ouverture dans l’espace public, des transports nombreux et gratuits, très peu de constructions de stades et autres équipements qui ne servent qu’aux jeux, et même une neutralité carbone.
En ce début 2024, on découvre que cette promesse initiale a du plomb dans l’aile.
Populaire ? Avec des billets à 500 € pour voir les compétitions, on est loin d’avoir des jeux populaires. Quant à la question du logement, on en est plutôt à battre des records de prix. Au point que bon nombre de propriétaires ont fait le calcul : mieux vaut fuir et louer son logement à 500 € par nuit. Mais tout le monde n’a pas cette “chance”, les locataires eux n’auront pas cette opportunité. Et les étudiants logés au CROUS sont même priés de vider leur chambre ! Sans parler des profits de AirbnB, engendrés précisément là où ses méfaits ont vidé certains quartiers de leurs habitants, là A l’heure où nombre de personnes dorment dans la rue ou la précarité augmente, les plus riches s’enrichiront. Et les plus pauvres, devront-ils attendre le ruissellement ?
Rénovation urbaine en Seine St Denis ? La construction du village olympique s’est faite au pas de charge, avec des dizaines de milliers de mètres carrés qui ont surgi de terre, mais avec quelles conséquences pour les habitants du 93 ? Les acquéreurs des logements olympiques créés ne se pressent pas pour acheter, il faut dire qu’à 7000 € du m2 c’est inaccessible pour un smicard.
Emplois ? La plupart des emplois créés ont été ceux du BTP ou dans la sécurité, donc par essence temporaires et dans certains cas, occupés par des sans-papiers particulièrement vulnérables. Le comité d’organisation fait appel aux bénévoles pour l’encadrement et l’organisation de ces jeux – on ne peut associer le bénévolat à l’emploi, même si certains profiteront de l’expérience et de la formation. Au final, les JO ne créeront que très peu d’emplois durables.
Des transports pour tous et toutes ? Pendant la période des JO, le prix du ticket de métro sera doublé, bien loin de la promesse initiale de transports gratuits pour les visiteurs. En termes de développement de l’offre de transports, nous aurons droit à une extension de la ligne 14 du métro et du RER E (projets qui auraient vu le jour sans les JO), et des fréquences égales à celles durant l’année, soit une saturation vécue quotidiennement par les Franciliens. Pas plus de RER B ou D que d’habitude, pas plus de fiabilité non plus, alors qu’il faudra vider un stade de France plusieurs fois par jour. Par conséquent, les Franciliens contraints de rester à Paris sont priés par le Préfet de télétravailler ou d’éviter les déplacements, pour laisser la place aux milliers de visiteurs. Un petit air de confinement olympique.
Impact environnemental zéro ? En dehors de la bétonisation, on ne peut que déplorer la destruction des jardins ouvriers d’Aubervilliers, la gabegie de la piscine de Taverny, les dégâts causés à Tahiti sur les coraux, le délire des taxis-volants… Plus largement, les JO génèrent un déluge publicitaire peu compatible avec l’écologie : sponsors de la malbouffe et du plastique, surconsommation, dégradation des paysages urbains. En soi, les très grands événements internationaux ne fonctionnent qu’avec un trafic aérien intense, peu compatible avec nos engagements climatiques. La pollution de l’air sera, elle, toujours présente car les restrictions de circulation seront trop minimes pour avoir un impact.
Idéal de paix olympique ? La participation de la Russie, de la Biélorussie montrent qu’on peut bombarder les populations civiles sans être trop privé de jeux. Et les besoins de surveillance et de sécurité vont imposer des restrictions des libertés individuelles sans précédent. Reconnaissance faciale, QR Code, vidéo-surveillance partout, les innovations se multiplieront dans une ambiance de contrôle permanent de la population et de la rue.
En 2017, les écologistes parisiens avaient voté contre les JO, prévoyant certaines de ces dérives. Nous ne sommes pas particulièrement heureux de savoir qu’on avait raison.
En 2024, nous voyons que les Franciliens suivront les jeux sur leurs écrans, que les dégâts sociaux et environnementaux et les expérimentations sur les libertés individuelles resteront.
Heureusement, le tableau est moins sombre du côté sportif. En particulier pour le handisport. Les jeux de Paris voient déjà leurs effets sur l’inclusivité des clubs qui commencent à accueillir des personnes porteuses de handicap. Le regard change aussi, ce qui est important. Mais le bilan sportif ne pourra être évalué qu’après coup : est-ce les Français seront inspirés par la compétition et décideront de chausser des baskets et d’être moins sédentaires ? Espérons le, car pour beaucoup les jeux olympiques seront juste un spectacle télévisuel. Espérons aussi que des vocations naîtront chez les jeunes et moins jeunes.
Au-delà de cette critique des JO, saine en démocratie, nous voulons bien évidemment aller plus loin politiquement : que faire de ces gigantesques événements mondiaux ? D’abord, ne jamais considérer que leur accueil va de soi : un référendum local est bien le minimum démocratique et ce devrait être un préalable avant toute candidature. Les Ecologistes l’avaient d’ailleurs demandé, en vain, en 2017. Ensuite, la vérité et la transparence devraient être de mise, au moment de faire des promesses. Enfin, nous ne devrions pas nous embarquer avec des organisations qui ne se fixent pas un minimum de règles éthiques, sociales et environnementales.
Voilà la contribution des écologistes parisiens au débat..
Charlotte Nenner, Antoine Alibert
Co-secrétaires Les Écologistes EELV Paris