Y a un truc qui me rend dingue, c’est quand on relate un accident de vélo, « on » (la presse) sous-entend toujours que c’était un peu la faute du cycliste. Le mec est écrasé par un camion : avait-il un casque ? Un chauffeur de poids lourd roule sur une cycliste en tournant : le reportage TV dit que les torts sont partagés, elle ne porte d’ailleurs même pas plainte et puis, le pauvre chauffeur est aussi très choqué.
Et puis, il y a l’usage bien connoté de la forme passive : il s’est « fait renverser par un camion », « il a été percuté »… Les conducteurs des véhicules motorisés sont toujours absents de ces comptes-rendus. Ils ont disparu. Idem pour une publicité suisse filmant un accident hyper violent. Dans ce spot, le cycliste victime a effectivement un comportement à la con ; mais il est ici bien ridiculisé et 100 % coupable. Il est mort, ok, mais il l’a bien cherché…
Rien sur le fait que son trajet n’est en rien protégé. Rien sur le fait que le code de la route est hyper en défaveur de ceux qui roulent à vélo. Rien sur la responsabilité et la vigilance que devraient avoir ceux qui roulent à plus de 30 km/h avec une tonne de métal. Rien sur la formation des conducteurs à l’angle mort et à l’ouverture des portières. Rien sur le non-respect par les automobilistes, motards et camionneurs des sas vélo et des pistes cyclables. Rien sur les garés comme des M (GCUM). Rien sur la casse des radars et les vitesses excessives sur les routes.
La hausse importante des accidents vélo du début 2019 a laissé la place à une polémique sur les trottinettes et une palanquée de lieux communs sur le « vélo dangereux ». Cette expression utilisée à tort et à travers a deux sens :
- Le vélo, c’est dangereux pour le cycliste, il ne devrait pas en faire.
- Le vélo, c’est dangereux pour les autres ; il écrase les piétons et les vieilles dames, il ne devrait pas en faire.
Non, cher journaliste, il faut dire à la place : « les camions, c’est dangereux », en particulier en ville. Mon insécurité, ce n’est pas (que) ma responsabilité. Ceux qui s’inquiètent de notre sécurité devraient se poser la question de leur comportement sur la route, au lieu de nous faire la morale et de nous accuser d’être des victimes-qui-l’ont-bien-cherché.
(88e épisode)